La loi et le recrutement

Publié le 10 octobre 2023 à 14:30

Le processus de recrutement est encadré par la Loi notamment par le Code du travail, le Code civil et le Code pénal.

Toutes les étapes du processus de recrutement sont soumises à la législation. Nous allons les décrypter ensemble.

 

1. Le Principe de non-discrimination

Toutes les étapes du processus de recrutement doivent respecter le principe de non-discrimination, comme le prévoit l’article 1132-1 du Code du Travail :

« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »

    Tout manquement à cette loi vous expose à des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à 3 ans d'emprisonnent et de 45 000€ d'amende.

     

    • L’âge

    Comme vu précédemment, l’âge fait partie des mentions de non-discrimination. Il est effectivement interdit de définir une limite d’âge supérieure exigée à un poste. Mais rien n’interdit de mentionner une fourchette d’âge tant qu’elle reste raisonnable et légitime. De plus, il existe certaines exceptions, concernant l’âge, lorsque le but est:

    • d’interdire l’accès à l’emploi de certains mineurs.
    • de faire respecter les conditions de travail spéciales liées aux jeunes travailleurs.
    • d’assurer la préservation de la santé ou de la sécurité ; ou assurer l’emploi, le reclassement des travailleurs âgés.
    • d’appliquer les conditions d’âges imposées par les textes législatifs et réglementaires.

     

    • Le genre

    L’offre d’emploi doit s’adresser autant aux femmes qu’aux hommes. Toutefois, cette interdiction peut être levée si elle est considérée comme légitime, comme l’encadre l’article R.1142-1 du Code du travail :

    «Les emplois et activités professionnelles pour l’exercice desquels l’appartenance à l’un ou l’autre sexe constitue la condition déterminante sont les suivants :

    1° Artistes appelés à interpréter soit un rôle féminin, soit un rôle masculin ;

    2° Mannequins chargés de présenter des vêtements et accessoires ;

    3° Modèles masculins et féminins. »

     

     

    2. La rédaction de l’offre d’emploi

    La législation commence à encadrer le processus de recrutement dès la rédaction de l’offre d’emploi. En effet, il s’agit d’un exercice loin d’être anodin, parfois complexe, qui, d’un côté, doit se conformer à la loi, et, de l’autre, doit être assez détaillé pour que les candidats puissent se projeter. Si la rédaction de l’offre d’emploi - et donc son contenu - est libre, lorsque le recrutement se fait publiquement,  il est toutefois soumis à quelques obligations dictées par l’article L.311-4 du Code du travail:

     

    • Le contenu de l’offre doit être détaillé et cohérent avec la réalité

    Toute information mensongère ou susceptible de tromper le candidat ou de l’induire en erreur, dans le but de l’attirer, est interdite. Ici on parle du lieu de travail, du salaire, des avantages, de la description, de la nature du travail ou même simplement de l’existence du poste. De plus, l’utilisation de fausses informations peut être sanctionnée par des peines allant jusqu’à un an d’emprisonnement et 37 500 euros d’amende.

     

    • L’offre doit respecter le Code du travail et le principe de non-discrimination

    L’offre d’emploi doit respecter les règles dictées par le Code du travail et l’ensemble des lois applicables. Ici on parle plus particulièrement des modalités telles que : horaires, localisation, durée, salaire, clauses du contrat, déplacements éventuels…

     

    • L’offre d’emploi doit être rédigée en langue française

    En effet, l’offre d’emploi doit être rédigée en Français peu importe la nationalité de l’entreprise. Même obligation pour les entreprises françaises souhaitant proposer un emploi hors de nos frontières, où la connaissance d’une langue étrangère serait requise. Une seule exception est tolérée pour les termes spécifiques n’ayant pas d’équivalence en français, mais la description française doit être précise. Cette obligation a pour seul et unique but de protéger le candidat afin qu’il ne soit pas induit en erreur par une mauvaise compréhension de l’offre d’emploi dans une langue étrangère.

     

    • L’offre d’emploi anonyme

    De plus en plus d’offres d’emploi sont anonymes pour les candidats. Cependant, les entreprises sont dans l’obligation de fournir leur identité, c’est-à-dire : nom, raison sociale et adresse, au directeur de publication ou à la personne responsable de la communication.

     

    • L’offre doit être datée

    La date de parution de l’offre d’emploi doit être indiquée. En effet, si la date n’est pas indiquée, le candidat peut se demander l’offre d’emploi est encore d’actualité.

     

    • L’offre doit mentionner le type de contrat

    Le type de contrat doit être précisé dans l’offre d’emploi.  Plusieurs informations doivent être présentes :

    • Le type de contrat : CDI, CDD, intérim…
    • La base horaire du contrat : temps partiel ou temps complet
    • Le statut : employé, agent de maitrise, cadre…
    • L’intitulé du poste

     

     

    3. L’entretien d’embauche

    L’entretien d’embauche est lui aussi soumis à des principes juridiques, qui ont pour objectif de protéger le candidat de toute dérive éventuelle. Ces principes doivent être appliqués par tous les intervenants du processus de recrutement :

     

    • La transparence

    Avant chaque entretien, le recruteur doit informer le candidat des méthodes et des techniques de recrutement auxquels il va se soumette: type d’entretien, tests, questionnaire, documents à fournir…

    De plus, si le recruteur collecte des données sur le candidat et souhaite les conserver pour une durée préalablement définie, alors il est dans l’obligation de le communiquer au candidat. Ce dernier est dans son droit de refuser que ses données soient conservées.

    Enfin, le recruteur doit également transmettre les résultats, qu’ils soient positifs ou négatifs, à l’issue du processus de recrutement. Ce résultat doit être communiqué dans un délai raisonnable évidemment.

     

    • La finalité

    Toutes ces méthodes doivent avoir un seul objectif qui est d’aider à cerner les aptitudes du candidat. En effet, pour être légitimes ces méthodes doivent avoir un lien direct avec l’emploi proposé. Toute question relative à la vie privée du candidat ne sera en aucun cas recevable. Et les différents tests doivent avoir pour finalité d’évaluer les compétences techniques ou personnelles du candidat.

     

    • La pertinence

    Chaque question doit avoir un intérêt précis en lien avec le poste proposé pour que le candidat puisse y répondre de bonne foi. Si le candidat estime que la question ou le test n’est pas pertinent, alors il est dans son bon droit de  refuser de répondre à la question ou au test. De plus, une question inappropriée peut entrainer de lourdes conséquences car un candidat qui estime que le recruteur a porté atteinte à sa personne peut saisir le tribunal civil ou pénal.

    A noter que si le candidat fait de fausses déclarations et que l’employeur peut prouver qu’il y a eu dol et vice de son consentement, alors le contrat de travail peut être rompu car fondé sur de mauvaises informations.

     

    Ces trois principes assurent la bonne conduite du processus de recrutement. D’une part, il faut rappeler qu’un recruteur n’est pas tout puissant il doit se soumettre aux lois en vigueur. Et que d’autre part, le candidat doit faire preuve de bonne foi lorsqu’il répond aux questions. Si toutes ces conditions sont respectées alors le lien de confiance, entre les deux parties, peut se tisser.

     

     

    4. La réglementation des données personnelles

    Informer le candidat dans un délai raisonnable des résultats du processus de recrutement est important, qu’ils soient positifs ou négatifs. Effectivement, le fait de communiquer les résultats rapidement a pour avantage d’éviter les relances et par conséquent de valoriser la marque employeur de l’entreprise.

     

    La CNIL – Commission Nationale de l’Informatique et des Liberté – est garante de la protection des données. C’est pourquoi, elle fait quelques recommandations concernant la transmission des résultats au candidat :

    • Le candidat doit être clairement informé des modalités d’accès aux données le concernant
    • Toute communication avec le candidat doit être faite par écrit
    • Un droit d’accès et de modification doit pouvoir être exercé dans un délai maximum de deux ans après le dernier contact avec le candidat.

     

    De plus les résultats comportent des données à caractère confidentiel qui doivent être protégées. C’est le rôle du RGPD – Règlement Général sur la Protection des Données – qui encadre le traitement des données personnelles à l’échelle européenne. En effet, le traitement des données personnelles doit être une priorité pour le recruteur et, plus globalement, pour les entreprises. Si un candidat ne donne pas son accord au recruteur quant à l’utilisation de ses données, celui-ci s’expose à des sanctions pécuniaires.

     

    En résumé le périmètre juridique encadrant les données personnelles a pour but de s’assurer que les candidats sont informés sur les méthodes et techniques de recrutement utilisées, de limiter au strict nécessaire la collecte d’informations sur le candidat et d’assurer la confidentialité des données obtenues.

     

     

    5. La loi et l’automatisation du recrutement

    L’automatisation du processus de recrutement s’est énormément développée ces dernières années, car elle aide à diminuer les coûts et les délais de traitement. Pour les recruteurs cela correspond concrètement, au fait d’utiliser une intelligence artificielle pour publier des offres d’emploi, voir les nouvelles candidatures, envoyer des réponses automatiques, relancer les candidats, collecter les coordonnées des candidats…

     

    Actuellement, le cadre légal de l’automatisation du recrutement est limité mais il se renforce progressivement. Il convient de rester prudent face à ce phénomène. En effet les décisions automatisées se basent uniquement sur des algorithmes fixés par l’homme donc potentiellement par ses préjugés. Le principe de non-discrimination peut alors être contourné par des recruteurs laissant leurs biais cognitifs prendre le dessus.

     

    • De plus, la digitalisation peut entrainer des dérives incontrôlables mais qui peuvent avoir un impact non négligeable sur le processus de recrutement. Les réseaux sociaux, libres d’accès, peuvent être consulter sans restriction par les recruteurs. Si les réseaux sociaux professionnels ont bien compris l’enjeu, les réseaux sociaux privés restent accessibles souvent aux recruteurs. Les informations personnelles disponibles peuvent ainsi affecter le jugement des recruteurs et donc leurs choix. Il est toutefois possible, pour le candidat d’évoquer l’article 9 du Code civil qui mentionne que « Chacun a droit au respect de sa vie privée. »

     

     

    Pour conclure, on voit que toutes les étapes du processus de recrutement sont soumises à une législation bien précise que l’on peut retrouver dans le principe de non-discrimination, dans le Code du travail, dans le Code civil, dans le RGPD ou via la CNIL qui rappellent que le recruteur – et à travers lui l’entreprise - n’a pas tous les droits et que le candidat doit être de bonne foi.

    Enfin, en cas de doute concernant une éventuelle discrimination, rappelons qu’il existe une méthode légale pour s’assurer du bon déroulement du processus de recrutement. C’est la méthode dite de « Testing » qui consiste à déceler toutes pratiques discriminatoires, en envoyant les mêmes documents et en changeant juste les données personnelles comme le nom ou l’adresse du candidat. Cette méthode est autorisée dans le Droit du travail car elle a pour objectif de lutter contre les discriminations, et elle est inscrite dans le Code pénal. Elle est principalement utilisée par les associations mais peut-être utilisée par l’État.

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